J.-P. Chenaux: Robert Moulin et son temps (1891-1942),

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Titel
Robert Moulin et son temps (1891-1942).


Autor(en)
Chenaux, Jean-Philippe
Erschienen
Gollion 2016: Infolio
Anzahl Seiten
909 S.
von
Pierre Streit

La biographie de Robert Moulin, cet intellectuel et officier vaudois décédé prématurément en 1942 à l’âge de 51 ans, constitue une véritable somme et impressionne autant par sa densité que par sa précision (909 pages, plusieurs milliers de notes de bas de page, une centaine de pages d’annexes). Jean-Philippe Chenaux a fait oeuvre de bénédictin. À côté, la brève notice du DHS paraît bien maigre. On y apprend qu’après avoir obtenu une licence ès lettres à Lausanne en 1918, Robert Moulin a enseigné l’histoire au Collège, puis au Gymnase cantonal, tout en collaborant à la Tribune de Lausanne, à la revue L’Effort ou encore à la Gazette de Lausanne. Fondateur et rédacteur en chef de la revue Vie (1935-1942), il est aussi à l’origine de la revue des officiers vaudois, Liaison. Proche de Marcel Regamey qui, dix ans après sa mort, lui a rendu hommage dans La Nation en le décrivant comme un «citoyen et soldat dans la plus noble acception de ces termes», Moulin a été membre de la Ligue vaudoise, colonel et bellettrien. Chenaux a fait sortir de l’oubli une personnalité qui a marqué la Suisse romande de l’avant-guerre, durant une période marquée par les conflits idéologiques et la montée des totalitarismes. Dans cette biographie agréablement mise en page, la description du personnage replacé «dans son temps» est aussi importante que la description des opinions et de l’engagement politique marqué de Robert Moulin au sein de la Ligue vaudoise. Billettiste et chroniqueur talentueux, pourfendeur du pangermanisme, Moulin fait partie des critiques les plus virulents de la politique bernoise. Il milite ainsi en faveur de la dépolitisation des CFF, contre l’initiative de crise (1935), pour un retour à la neutralité intégrale de la Suisse après l’échec de la SDN. Vie relativement brève, mais bien remplie. D’autant que Robert Moulin mène en parallèle une brillante carrière militaire. Soldat dans l’âme, officier charismatique «à la dégaine magnifique », Moulin commence sa vie militaire en 1912, à l’école de recrues d’infanterie de Lausanne. Lieutenant fin 1913, il gravit dès lors tous les échelons d’une carrière d’officier de troupe jusqu’au grade de colonel qu’il reçoit fin 1939 alors qu’il commande le régiment d’infanterie 2, dit «régiment du Pays de Vaud». Commandant de régiment et président de la Société suisse des officiers avant et pendant la guerre, proche du général Guisan, Moulin est l’un des promoteurs de la réforme du haut commandement, de la suppression du pas cadencé et d’une meilleure information des soldats et de la population pendant la guerre. Cette double casquette lui donne une notoriété qu’il va mettre à profit : c’est ainsi grâce à ses efforts de lobbyiste à Berne que sont finalement créées les caisses de compensation militaires destinées à combler les fins de mois des soldats mobilisés. Homme de convictions, il n’hésite pas à s’attirer des inimitiés dans les milieux patronaux. Chenaux s’intéresse également à la dimension culturelle de son personnage. Robert Moulin n’est pas seulement le meilleur ami du peintre Henry Meylan qui l’a croqué dans de fines esquisses. Il a su transmettre à ses enfants et petits-enfants son goût pour les arts, à commencer par son fils Jean-Pierre Moulin, auteur-compositeur et journaliste établi à Paris, et ses filles, Béatrice, musicienne complice de Brassens et Ricet Barrier, et Antoinette, la mère du chanteur Pascal Auberson. Une autre qualité de Jean-Philippe Chenaux est de remettre à l’honneur la biographie, un genre un peu délaissé en Suisse romande, comme le fait remarquer son préfacier, Jean-Jacques Langendorf. «Une courte vie, une forte vie», tel est d’ailleurs le titre de sa préface qui rend bien hommage au texte de Chenaux. Car au-delà de la vie du colonel Moulin, professeur, conférencier, écrivain, ce sont bien tous les combats politiques de l’entre-deux-guerres, auxquels il a pris part, que Chenaux nous fait revivre, en replaçant son personnage dans une vraie lignée de Vaudois : Henri Guisan, Bernard Barbey, Roger Masson, Robert Jaquillard, Victor Perrier, Robert Pahud, Henri Mutrux, tous présents dans cette grande biographie.

Zitierweise:
Pierre Streit: Jean-Philippe CHENAUX: Robert Moulin et son temps (1891-1942), Gollion: Infolio, 2016. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 275-276.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 275-276.

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